par Marguerite Nebelsztein et Léa Drouelle
Illustration : Héloïse Niord-Méry

Sorocité passe au crible les propositions des principaux et principales candidat·es à la présidentielle. Avec la question à un milliard d’euros : les candidat·es à la présidentielle nous promettent-iels un avenir féministe ? Voici un classement des « bon·nes et mauvais·es élèves » qui, on l’espère, vous aidera à vous décider avant de prendre le chemin des urnes. Alors, bonnet d’âne ou pussy hat ?


 Jean-Luc Mélenchon : 9/10 

Celui qui opère une percée de plus en plus importante dans les sondages présente aussi l’un des programmes les plus détaillés en termes d’égalité des droits des femmes et des LGBTQIA+. Lecandidat de la France insoumise propose la création d’une loi contre le sexisme et les violences faites aux femmes et soutient la mesure préconisée par plusieurs associations féministes d’investir un milliard d’euros dans la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Une partie de ce budget irait à l’augmentation du nombre de places d’hébergement pour les victimes, ainsi qu’à la formation des professionnel·elles pour lutter contre ces violences.


Mélenchon propose également l’ouverture de 500 000 places en crèche (soit le plus généreux sur la question), ainsi que des congés identiques pour les deux parents. Il souhaite aussi s’atteler aux entreprises qui ne respectent pas l’égalité salariale, en augmentant le montant des sanctions de 1 % de la masse salariale à 10 %. Il veut également réformer le temps partiel (qui pèse principalement sur les femmes) et créer une réflexion sur les métiers fortement féminisés et dévalorisés dans le soin et le service.


Côté santé, le candidat insoumis propose le remboursement des traitements hormonaux liés à la ménopause, la gratuité des protections périodiques et l’amélioration du financement du Planning familial. Il souhaite aussi supprimer la clause de conscience permettant aux médecins de refuser la pratique d’une IVG. Dans son programme, on retrouve aussi la proposition d’ouvrir la PMA aux personnes trans et le changement d’état civil libre et gratuit, ainsi que d’inscrire “la liberté de genre” dans la Constitution.

La mesure phare : Création d’une loi contre le sexisme et les violences faites aux femmes.

Yannick Jadot : 9/10

Féministe, Yannick Jadot ? Son programme ne manque en tout cas pas de propositions qui vont dans ce sens. Il souhaite par exemple rendre “inaliénable” le droit à l’avortement en l’inscrivant dans la Constitution, ouvrir la pratique de l’IVG aux sages-femmes et supprimer la clause de conscience des gynécologues-obstétricien·ennes. 


Également partant pour investir un milliard d’euros supplémentaires dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, ainsi que pour rétablir un ministère des Droits des femmes, il propose de mettre en place (à l’image de l’Espagne) des tribunaux et des brigades spécialisées dans les violences de genre, ainsi que de tripler les places d’hébergement dédiées à l’accueil des personnes victimes de violences. Pas question non plus, s’il est élu, de compter des personnes condamnées ou mises en examen pour des faits de violences sexistes et sexuelles au gouvernement ou à des postes de la haute fonction publique. 


Le candidat vert affiche également une politique ambitieuse concernant l’égalité salariale en l’imposant “à l’image du modèle islandais”, dans toutes les entreprises et les administrations comptant plus de 20 salarié·es et les administrations, avec une amende de 330 euros par jour, “jusqu’à ce que les obligations d’égalité soient respectées”. Enfin, Yannick Jadot propose d’instaurer un budget sensible au genre et d’appliquer le principe d’éga-conditionnalité dans toutes les collectivités locales. 

La mesure phare : imposer l’égalité salariale dans toutes les entreprises de plus de 20 salarié·es et les administrations.


 Fabien Roussel : 8/10 

Si le candidat du Parti communiste français (PCF) ne s’attire pas la sympathie de toutes les militantes féministes (il se proclame “universaliste” et rejette le terme “wokisme”), son programme en matière de droits des femmes reste néanmoins assez dense. Il entend notamment s’attaquer à la “triple peine” subie par les femmes : “précarité économique, violences sexistes et sexuelles et mise en danger de la santé”.


Bien décidé à déployer son “Rousselement”, il affiche son ambition de venir en aide aux femmes les plus précaires, notamment à travers la création d’un statut unique et protecteur pour les métiers du “care”, très féminisés et durement éprouvés par la pandémie, en leur garantissant un salaire minimum de 1 700 euros net. Il revendique aussi la gratuité des protections périodiques, l’égalité salariale effective dans les six premiers mois de mandature dans la fonction publique et un an dans les entreprises privées. 


Le candidat communiste n’est pas non plus en reste dans les domaines de la famille et de la santé : inscription du droit à l’IVG dans la Constitution, prise en charge du post-partum. Il souhaite également délivrer une meilleure formation aux professionnel·elles de santé pour la prise en charge des maladies gynécologiques, telles que l’endométriose.


Fabien Roussel propose également pour les victimes de violences sexistes et sexuelles un accompagnement psycho-traumatologique gratuit, des lieux d’accueil dans toutes les communes et l’inéligibilité des élu·es condamné·es pour ces actes. 
Enfin, Roussel fait partie des rares candidat·es à ne pas oublier les droits des LGBTQIA+. Il prône le changement d’état civil libre et gratuit, les termes inclusifs sur les formulaires administratifs, le remboursement du parcours de transition des personnes trans et la reconnaissance de l’intersexualité dès la naissance, avec interdiction des mutilations.

La mesure phare : un salaire minimum pour les métiers du “care”.


 Anne Hidalgo : 5/10

Si la candidate PS rame dans les sondages, son programme ne manque pas de propositions pour améliorer la condition des femmes. Mais (là aussi), elle peine à se démarquer de ses concurrents de gauche. Non seulement son programme présente moins de mesures que les trois autres précités, mais elles sont en plus sensiblement les mêmes. Anne Hidalgo ambitionne notamment de rétablir un ministère des Droits des femmes, d’investir un milliard d’euros pour la lutte des violences faites aux femmes. Elle préconise aussi d’allonger le congé paternité de seize semaines (dont six obligatoires). 


Si elle défend la lutte contre “toutes les discriminations” à l’école dont ’l’antisémitisme, le racisme, les LGBTQIphobies et le sexisme”, ainsi que la dépénalisation universelle de l’homosexualité, elle se prononce peu sur le sujet des droits LGBTQIA+. Dans son programme, rien non plus sur le droit à l’avortement, la PMA ou la GPA. 

La mesure phare : allonger le congé paternité de seize semaines (dont six obligatoires).


 Valérie Pécresse : 3/10 
Rien de tel qu’une femme pour faire le ménage !”, s’exclamait la candidate LR en 2015 lors des élections régionales. Désormais candidate à l’élection présidentielle, celle qui ne lésine pas sur la punchline entend donner un bon coup de pied dans la fourmilière pour “une fierté française retrouvée”… Mais la candidate LR se montre beaucoup plus mesurée lorsqu’il s’agit d’aborder la question des droits des femmes. 

Notons tout de même la volonté de mieux faire respecter le délai de rendu des ordonnances de protection pour les personnes de violences conjugales et familiales et de le réduire à 24 heures pour les cas “les plus urgents”, ainsi que d’instruire en justice les affaires de violences intrafamiliales dans un délai de 72 heures. Valérie Pécresse se déclare également en faveur de l’inscription du droit à avorter dans la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Mais son positionnement (en faveur ou contre) sur l’allongement des délais reste flou. 


Quant aux droits LBGTQIA+, elle semble tout simplement ne pas en faire une priorité de son programme. Pas grand-chose non plus sur l’égalité salariale, à part une position favorable pour “sanctionner les entreprises qui ne la respectent pas”, comme elle l’a déclaré sur BFM TV en janvier dernier

La mesure phare : mieux faire respecter le délai de rendu des ordonnances de protection pour les personnes victimes de violences conjugales et familiales.


 Marine Le Pen : 0/10 

Beaucoup de flou dans le programme de la candidate RN. On trouve bien quelques idées en faveur de la défense des droits des femmes. Par exemple une volonté de “juger des conjoints ou ex-conjoints violents ‘dans des délais très brefs”. Ou encore celle d’instaurer des “mesures de protections des victimes efficaces”, mais sans autres détails concernant les moyens concrets d’y parvenir. Parfois, on tombeaussi sur des propositions, comme celle de faire de l’outrage sexiste un délit passible de prison et d’inscrire (en cas de condamnation), les auteurs de ce délit au fichier des criminels et des délinquants sexuels.


Dans son discours de rentrée politique en septembre 2021 à Fréjus, la candidate RN a également promis de “rétablir la liberté de circuler en robe et d’aller au café”. Comment ? On ne le sait pas exactement, à part peut-être en mettant “les délinquants français en prison et les étrangers dans l’avion”, comme elle le suggère dans ce même discours. Si les robes des femmes préoccupent Marine Le Pen, elle ne s’empêche pas de dicter à d’autres leur tenue vestimentaire. La candidate du Rassemblement national souhaite en effet interdire le port du voile dans la rue.


Le Pen se prononce contre l’allongement du délai de l’IVG à quatorze semaines (adopté par le Parlement fin février) et souhaite un renforcement de l’interdiction de la GPA. Dans son programme, et on a beau avoir fouillé, rien sur l’égalité salariale. Elle avait un pont d’or pour contrer son principal concurrent, ouvertement misogyne. Occasion manifestement ratée. Zéro pointé. 

La mesure phare : rétablir la liberté de circuler en robe et d’aller au café. 


 Éric Zemmour : 0/10 

En 2006, dans son livre Le Premier sexe, Eric Zemmour dénonçait la “dévirilisation de la société”. Mais pour la présidentielle, être trop mascu, ça fait tâche. Dans son “Plan pour les Françaises” (notez la précision), qui tient en une feuille A4, on trouve des mesures qui pourraient se résumer par cette idée : “Faites des gosses !”. La Française doit fabriquer des petit·es Français·es. Le candidat de Reconquête ! veut par exemple créer 60 000 places de crèche supplémentaires, qui seront attribuées en priorité aux mères célibataires françaises. Son coup de poker ? Une prime de 10 000 euros pour chaque enfant né dans un territoire rural. Tiens, pile la même somme que la justice l’a condamné à verser en janvier dernier pour “provocation à la haine raciale”, après ses propos contre les mineurs migrants isolés.


En dehors de sa politique familiale, on retrouve des mesures prétendument liées aux droits des femmes, mais qui transpirent surtout la misogynie et/ou la xénophobie. Quelques exemples pêle-mêle : interdire le port du voile, abroger la PMA pour toutes, sanctionner lourdement les auteurs de harcèlement de rue et “renvoyer les migrants clandestins, sureprésentés dans ce genre de comportement”, selon les propres dires du candidat, le 22 février au micro de France Inter


On est toutefois parvenues à dénicher quelques mesures “acceptables”, telles que la hausse du nombre de places dans les centres d’hébergement pour les victimes de violences conjugales et l’augmentation de la pension de réversion pour les veuves.

La mesure phare : une prime de 10 000 euros pour chaque enfant né dans un territoire rural. 


 Et Emmanuel Macron dans tout ça ?  

Accaparé par la guerre en Ukraine, le président sortant fraîchement candidat n’a pas encore dévoilé son programme. À défaut de pouvoir le consulter, on fait donc le bilan. 

Ça avait commencé par la promesse d’une Première ministre, ça s’est terminé avec un Édouard et un Jean. Comme le souligne l’ONG Oxfam dans un récent rapport, les “mesures prises ne sont pas très ambitieuses, ni suffisamment financées”. Les moyens alloués pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles restent par exemple insuffisants : quatre femmes victimes de violences sur dix qui demandent un hébergement n’y ont toujours pas accès. En août 2018, l’ancienne secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa a fait introduire une infraction pour outrage sexiste pour condamner le harcèlement de rue.


Au total, l’argent destiné à l’égalité femmes-hommes pour tout le gouvernement représente seulement 0,25% du budget de l’État. Au niveau économique, les métiers en première ligne pendant la crise du Covid-19, majoritairement féminisés, n’ont pas bénéficié d’une réflexion autour de leur revalorisation. Question égalité salariale, Emmanuel Macron avait promis une liste publique des noms des entreprises qui ne la respectent pas, ainsi que des sanctions réelles. À la place, il a mis en place un index d’égalité salariale qui concerne uniquement les entreprises de plus de 1000 salarié·es, dont la plupart ont obtenu des notes très peu sévères. 


Quelques avancées notables ont toutefois émergé en fin de mandat. L’allongement du congé pour le deuxième parent de 14 à 28 jours (mais avec seulement 7 jours obligatoires) en vigueur depuis le 1er juillet 2021, l’ouverture de la PMA pour toutes en septembre 2021 et l’allongement du délai d’accès à l’IVG à quatorze semaines, adopté par le Parlement en février dernier. Le gouvernement a également annoncé en janvier le lancement d’une stratégie nationale de grande envergure pour lutter contre l’endométriose.


 Les autres candidat·es 

Nathalie Arthaud. Pas de proposition concrète, mais le constat que les femmes subissent plus que les hommes les effets du capitalisme.

Nicolas Dupont Aignan. Il souhaite créer un label pour les entreprises qui respectent l’égalité femmes-hommes et accorder une réduction des charges à celles qui l’obtiennent. 

Philippe Poutou. Il veut améliorer l’accès à l’IVG partout sur le territoire français, avec l’ouverture de nouveaux centres IVG et de maternités. Il prône aussi l’allongement du délai légal à 24 semaines. 

Jean Lassalle. Pas de mesure en faveur de l’égalité femmes-hommes, mais des accusations pour agressions sexuelles, datant de 2017. 

Publié par :sorocité

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